Souffrances des jeunes et maisons des adolescents
La souffrance des jeunes s’est construite comme un problème public. Fédérant de multiples acteurs, mise à l’agenda politique au début des années 2000, cette notion aux définitions multiples donne accès aux représentations de la jeunesse dans le débat public, associant la volonté de protéger les individus des risques d’émergence de la maladie mentale ou de rupture des liens sociaux et d’encadrer leurs pratiques supposées mettre en danger leur santé.
Considérant que le discours public participe à la manière dont sont pensés les problèmes et les réponses à leur apporter, les débats et les textes de l’action publique sont analysés comme des actes performatifs, diffusant le langage de la souffrance et positionnant les acteurs dans un espace concurrentiel et hiérarchisé, l’identité et la légitimité des dispositifs existants étant négociées dans les processus de définition de la (bonne) prise en charge. Bénéficiant du soutien de l’action publique de santé, les maisons des adolescents sont devenues incontournables pour répondre aux besoins supposés des jeunes en souffrance. L’analyse lexicométrique du programme national et le travail sur les archives d’un dispositif local mettent à jour les oppositions et les alliances entre les organisations de la jeunesse, influençant les pratiques d’orientation et de recours à l’offre proposée et sélectionnant les souffrances. Au-delà d’une perspective constructiviste et des éclairages de la sociologie de l’action publique, la thèse s’appuie sur un corpus de trois cents dossiers de jeunes âgés de 11 à 21 ans pour produire une définition sociologique de leurs expériences psychiques, physiques et sociales de la souffrance, cet âge de la vie apparaissant particulièrement concerné par les difficultés à répondre aux injonctions sociales de la régulation des émotions, du contrôle des corps et de la réalisation de soi.