Dans un très bref communiqué du 25 janvier, l'Elysée annonce la nomination d'Adrien Taquet en qualité de secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, en charge de la protection de l'enfance.

Après s'être engagé au PS, Adrien Taquet a rejoint Emmanuel Macron dès la création d'En Marche en 2015. Député des Hauts-de-Seine depuis 2017, il s'est investi notamment dans le secteur du handicap, avec la publication d'un rapport remarqué sur la simplification des rapports entre les personnes handicapées et les administrations, dont le gouvernement a repris plusieurs propositions (voir notre article ci-dessous du 29 mai 2018).

Le chantier de la protection de l'enfance s'accélère

Cette nomination marque une accélération du chantier de la protection de l'enfance, engagé à l'automne 2017 avec le lancement d'une "stratégie nationale de protection de l'enfance et de l'adolescence 2018-2022" (voir notre article ci-dessous du 29 novembre 2017). A peine nommé, Adrien Taquet a participé le jour même à une réunion sur le sujet à Matignon, sous la présidence d'Edouard Philippe. A la sortie, le Premier ministre a indiqué que la stratégie nationale de protection de l'enfance et de l'adolescence sera présentée dès ce lundi 28 janvier.

Edouard Philippe a notamment affirmé : "Aujourd'hui, plus de 300.000 enfants bénéficient de mesures de protection qui sont mises en œuvre par les départements, qui font un bon travail, qui font même souvent un très bon travail. Mais il est clair que nous devons faire mieux". Cette allusion au "très bon travail des départements" - qui consacrent chaque année huit milliards d'euros à l'aide sociale à l'enfance - répond notamment au documentaire de France 3 sur les enfants placés diffusé le 16 janvier et qui, en s'appuyant sur quelques cas de maltraitance ou de dysfonctionnements institutionnels (sur 341.000 enfants bénéficiaires d'une mesure de prise en charge au titre de l'ASE à la fin de 2017, dont 52% sont placés), dressait un tableau entièrement à charge et dénigrait l'action des départements et des travailleurs sociaux (voir ci-dessous).

Lors de cette réunion à Matignon, Edouard Philippe a également évoqué "une mobilisation de moyens supplémentaires", tout en précisant que celle-ci a "déjà été engagée dans le budget 2019". Le compte rendu de la réunion évoque ainsi "un budget qui, pour ce poste, avoisine actuellement les huit milliards d'euros annuels", omettant toutefois de préciser qu'il s'agit de dépenses des départements.

Une clarification de la politique du gouvernement sur l'enfance

La nomination d'Adrien Taquet doit également contribuer à clarifier la politique du gouvernement en faveur de l'enfance. Celle-ci manque en effet de lisibilité entre l'annonce de la stratégie nationale de protection de l'enfance et de l'adolescence, qui tardait jusqu'alors à se concrétiser, et la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes lancée également à l'automne 2017 et qui semble, depuis lors, s'être fondue dans l'approche plus large du plan Pauvreté.

Par ailleurs, sur la protection de l'enfance, les députés LREM n'ont pas attendu la présentation de la stratégie pour déposer une proposition de loi "visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie", adoptée en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en juillet dernier. Enfin, il restera à préciser l'articulation entre le nouveau secrétaire d'Etat et Olivier Noblecourt, le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, nommé en novembre 2017.

Vers une commission d'enquête parlementaire sur l'ASE ?

Le documentaire de France 3 sur les enfants placés continue en tout cas de faire des vagues. Perrine Goulet - députée (LREM) de la Nièvre et ancienne enfant placée - qui participait à un débat sur France 3 après la diffusion de ce reportage, a annoncé le prochain dépôt d'un texte demandant, avec plusieurs de ses collègues, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur le sujet, qui "aura pour objectif de mettre en lumière les bons et mauvais fonctionnements de l'aide sociale à l'enfance". Tout en expliquant qu'"il faut qu'on aille voir pourquoi cette politique ne marche pas, sans stigmatiser les uns et les autres", la rédaction actuelle du texte réclamant la création de la commission d'enquête est particulièrement virulente : "Comment expliquer que l'aide sociale à l'enfance, censée protéger des mineurs, semble trop souvent une machine à broyer des enfants déjà bien abîmés par la vie ? Comment expliquer que 40% des SDF de moins de 25 ans sont d'anciens enfants placés et que 70% sortent sans diplôme de l'Aide sociale à l'enfance? Il n'est plus tolérable de laisser nos enfants continuer à se perdre". Les départements et les travailleurs sociaux de l'ASE et des structures financées apprécieront d'être assimilés à une "machine à broyer des enfants". Ouverte aux "députés de tous bords", la demande n'a toutefois pas encore été formellement déposée.
Dans un communiqué, Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin (et président de la commission affaires sociales de l'Assemblée des départements de France), a appelé ce 25 janvier Adrien Taquet à "travailler de concert avec les départements et à engager fortement l’Etat sur ses compétences régaliennes, tout spécialement dans le domaine de la santé (troubles comportementaux et problèmes psychiques).

Article rédigé par Jean-Noël Escudié / P2C disponible sur le site Localtis.